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récits de grimpe

heille, on es-tu bin?

10/14/2020

1 Commentaire

 
UN TEXTE DE STEVE BOURDEAU
​
Une de mes citations favorites du grand auteur américain Kurt Vonnegut est : « If this isn't nice, what is? », une phrase que son oncle aimait bien répéter, souvent en plein milieu d’une conversation, question de forcer les gens autour de lui à remarquer ces petits moments de bonheur passagers qu’on a tendance à ignorer trop facilement. C’est une forme de gratitude envers l’univers qui a aussi sa propre expression en québécois : « heille, on es-tu bin! ». Quand j’y pense, je me rends compte que ma vie entière est structurée autour de cette expression-là, que mes choix, mes ambitions, mes rêves se résument souvent à des moments où la seule réponse adéquate, la seule chose qui reste à dire, est « heille, on es-tu bin? ».
 
Je regarde mes enfants qui jouent dans les vagues et qui rient avec abandon sur une plage de Caroline du Nord qui s’étend à perte de vue… « heille, on es-tu bin! »
 
Je lis un bon roman, la tête accotée sur les cuisses de ma blonde, avec un feu qui crépite dans la cheminée et une petite neige qui tombe à travers la fenêtre… « heille, on es-tu bin! » 
 
Et bien sûr la nature, le plein-air, la grimpe. Ça m’arrive souvent en plein milieu d’une voie, alors que je me sens en plein contrôle de mes moyens. Je me rétablis sur une vire, je prends quelques secondes pour m’étirer les bras, et j’engage la section suivante sans hésitation. Je place mes pieds précisément, je referme mes mains sur les prises et la sensation des grains rocheux sous mes doigts est rassurante. Ce qui se passe ensuite s’apparente à de la magie : mes jambes, mes bras, mon bassin, mes épaules se parlent entre eux et s’accordent, ils bougent ensemble en harmonie me laissant le loisir d’être tout simplement là, en train de me dire « heille, on es-tu bin! »
                            *
Mais ma relation avec l'escalade—avec la verticalité—est loin d’être si simple.
 
J’ai une confession à faire : il y a bien des moments quand, suspendu au bout de ma corde, ou accroché par le bout de mes doigts avec 30 mètres de vide sous les pieds, je vie des épisodes d’anxiété assez intenses merci. C’est au point de me demander ce que je fais là. Et ça ne prend pas grand-chose: un léger craquement de la corde, le nœud qui se resserre autour de mon harnais, ou simplement le choc de la réalisation que ma vie ne tient qu’à un mince bout de nylon, et soudainement l’appel du plancher des vaches se fait entendre, et c’est assourdissant!
​Tranche de vie! C’était à l'été 2019, pendant la première saison de développement de la paroi de Chez Roger. Dès le début de cette grande aventure j’avais aperçu la ligne qui était pour devenir La ballade de Joe Hun et je m’étais dit que je m’y attaquerais rapidement. La ligne semblait pure, esthétique, aérienne à souhait, et difficile, une « King Line » autrement dit. Du sol, la voie m’attirait autant qu’elle m'intimidait, mais une fois en rappel, complètement dans le vide puisque la falaise est déversante de plusieurs mètres dans ce secteur-là, avec la vallée qui s’étendait vertigineusement derrière moi, et en repensant aux quelques chétifs cèdres que j’avais « slingé » pour faire mon relai… Ouf! Mon cerveau reptilien ne laissait plus beaucoup de place à mon cortex frontal pour contempler la beauté de la ligne. Je suis descendu rapidement, pas sûr du tout que j’y retournerais.
Picture
La fameuse ligne à l'état brut, avec mes cordes fixes qui flottent dans le vent et dans le vide.
​Et pourtant, le jour suivant, je me retrouve en haut, cette fois-ci avec ma perceuse, prêt à y installer un relai et commencer le travail. Allez comprendre quelque chose. Pire encore, une fois que je suis à nouveau en rappel, cette fois-ci solidement ancré dans mon relai installé selon les règles de l’art, une vision d’horreur: au milieu de la voie se trouve un immense feuillet, massif, profond, immobile, et certainement que même de la dynamite ne le bougerait pas, mais c’est plus fort que moi, j’imagine qu’en éternuant je pourrais le déloger, et si ça c’est possible, en théorie, qu’est-ce qui empêcherait l’entière portion de falaise où j’ai installé mon relai de se détacher et de tomber sur moi comme un immeuble qui s’effondre pendant un tremblement de terre? Mon côté cartésien fait de l’overtime pour reprendre le contrôle et repousser les pensées catastrophiques, mais le dommage est fait: chu pas bin. Je redescends au sol, je m’assois, le dos accoté sur le mur orangé, chauffé par le soleil de juin, et je regarde autour de moi. Le ciel est beau, azur avec quelques nuages qui s’entremêlent au loin. Il y a des oiseaux qui gazouillent et des suisses tout nerveux qui lèvent le nez dans le vent. Il y a même un colibri qui passe dans le coin et qui repart aussi vite, comme un petit haiku offert par la nature… et là, je me mets à rire. Tout seul dans le bois, je ris, pendant que mon angoisse irrationnel fond comme de la crème glacée sur le bord d'une piscine au milieu d’une canicule, et je ris et je ris, et ça devient un moment de bonheur qui ne peut pas s’exprimer en mot.
 
Et après, tout ce qui reste c’est de la gratitude: d’être là, d’être vivant, de pouvoir grimper, et d’avoir en moi la volonté de combattre mes démons.
Je mange mon lunch, et sans arrière-pensées je remonte sur ma corde. Cette fois, la ligne prend forme devant mes yeux, prise par prise. Alors que je prospecte les derniers mètres de la voie, laissant mes mains trouver le chemin le plus probable vers le haut, un vent fort d’été se lève soudainement et me déporte un peu, comme un pendule qui oscille légèrement. À un autre moment, ç’aurait été assez pour que je lève les yeux vers mon relai, pour que je tâte mon gri-gri, pour que je tire un peu sur l’auto-bloqueur de mon back-up, question de me rassurer un peu... mais pas cette fois-ci. Cette fois-ci, j’accueille le vent avec sérénité. Je prends le temps de le sentir sur ma peau, et de regarder la cime des arbres valser doucement. Je prends le temps de me dire « heille, on es-tu bin! ». Et même si je suis encore loin de sender le projet, je me rends compte que j’ai quand même sender quelque chose ce jour-là, et que c’est précisément pour ça que je continue à grimper.  ​
Picture
Même ligne, pendant la première ascension.
1 Commentaire
Serge
10/14/2020 20:35:18

Nice one buddy!

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